L’effectuation, posture des entrepreneurs qui réussissent !
Une période de crise sans précédent nous fait face. Impossible de prévoir le futur et notre organisation à venir. Nous entrons dans un temps où la capacité à vivre dans l’incertitude et à savoir cultiver le lien avec son réseau est un atout majeur. De plus, pour la plupart d’entre nous, les moyens auparavant activables ne sont plus tous disponibles pour pérenniser les activités ou lancer de nouveaux projets.
Dès 1997, Saras Sarasvathy, professeure en entrepreneuriat, en stratégie d’entreprise et d’éthique dans le programme de MBA à l’Université de Darden (US), s’est interrogée sur les qualités des entrepreneurs à succès et est allée à la rencontre de 27 entrepreneurs ayant connu le succès lors de la création de leur entreprise. Elle ne leur a pas demandé les clés de leur réussite, mais les a confrontés à des problèmes concrets de leur quotidien en leur demandant de les résoudre. Il a été mis en lumière que ces entrepreneurs ne suivaient pas du tout majoritairement une démarche prédictive mais que ces derniers avaient recours à un tout autre raisonnement : l’Effectuation.
L’effectuation ou logique effectuale, consiste à partir des moyens dont nous disposons et à rechercher ce que ces moyens permettent d’atteindre pour ensuite rebondir sur cette première atteinte et obtenir la suivante… Les cibles de chaque rebond ne sont pas précises mais permettent de se rapprocher d’un objectif plus global porteur de sens pour nous. Nous évoluons alors avec flexibilité, en découvrant de nouvelles réalités à chaque étape. Si la logique causale ou prédictive se concentre sur des objectifs précis puis sur les moyens nécessaires à leur atteinte, la logique effectuale met l’accent sur les moyens disponibles puis sur les effets atteignables.
Cette approche est une rupture majeure dans les modes de pensée du management. Elle nous encourage à évoluer d’une posture historique causale fondée sur « tant que je peux prédire le futur, je le contrôle » vers « Il ne sert à rien de prédire le futur puisque je peux le contrôler. » (Sarasvathy, 2008).
Le mode effectual est en particulier utilisé par les entrepreneurs en situation d’incertitude totale mais où l’action est encore possible. C’est pourquoi si les travaux initiaux de Saras Sarasvathy portent sur le processus de création d’entreprise, je propose aujourd’hui d’ouvrir son champ d’application également au pilotage d’activités en phase de maturité dans des contextes incertains.
L’effectuation s’articule autour de 5 principes clés.
Principe 1 : « Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras »
Ce premier principe nous invite à démarrer avec nos ressources disponibles plutôt que déduire les ressources dont nous avons besoin pour atteindre un objectif. Notre première ressource c’est nous même. Moi, avec ma personnalité « Qui je suis », mes compétences, mes capacités « Ce que je sais », mon réseau « Qui je connais »…
Principe 2 : « Perte acceptable »
Le deuxième principe consiste à mesurer la perte acceptable. Il nous invite à agir sur la base de ce que nous acceptons de perdre, pas de ce que nous pensons gagner. Ce principe permet de définir et piloter le risque de l’entreprise.
Principe 3 : « Patchwork fou »
Le projet entrepreneurial est un patchwork : nous assemblons des pièces qui influencent le résultat final. Chaque personne qui s’ajoute au projet contribue telle une pièce de tissu. Ce principe montre que tout projet entrepreneurial se bâtit dans l’émergence, le travail collaboratif en réseau, la flexibilité…
Principe 4 : « Limonade »
Ce principe est désigné par « limonade » en référence au dicton anglophone : « si la vie vous envoie des citrons, vendez de la limonade ! ». Il invite à développer la capacité à réagir aux surprises, à l’imprévu et non à chercher à l’éviter.
Principe 5 : « Pilote dans l’avion »
L’avenir ne peut être prévu mais dépend de l’action de chacun d’entre nous. L’entrepreneur est le pilote de l’avion. Sa capacité de pilotage et de décision dans un contexte incertain est fondamentale.
Même 20 ans après son émergence l’Effectuation reste une démarche peu diffusée dans le monde des entreprises. Elle est aujourd’hui fondamentale pour conduire des projets dans notre contexte très fortement incertain.